En résumé
• La Croatie crée des plages artificielles pour répondre à la demande touristique.• Cette artificialisation inquiète écologistes à cause des impacts sur l’environnement.
• Des initiatives durables émergent pour préserver le littoral et concilier tourisme et nature.
Sous le soleil éclatant de l’Adriatique, la Croatie vit un paradoxe balnéaire. Réputée pour ses côtes sublimes, le pays manque pourtant cruellement de plages naturelles en sable fin. Pour répondre à l’afflux massif de visiteurs, les municipalités ont trouvé une solution radicale : créer artificiellement les plages que la nature n’a pas fournies. Graviers broyés, galets importés, berges remodelées… les rivages croates changent de visage à vue d’œil. Un choix qui suscite à la fois l’enthousiasme des professionnels du tourisme et l’inquiétude des défenseurs de l’environnement. Dans cette dynamique où l’économie locale dépend largement de la mer, la Croatie redéfinit sa relation avec son littoral, entre développement touristique assumé et préservation encore fragile.
Du sable où il n’y en avait pas
En Croatie, seulement 6 % du littoral est naturellement sablonneux. Néanmoins, les images de plages dorées font florès dans les catalogues de voyages, attisant les attentes des touristes venus du monde entier. Pour répondre à cette demande, des municipalités comme Primosten ou Makarska ont investi dans le rechargement de plages. Cette technique consiste à déposer du sable ou du gravier pour agrandir ou créer des plages artificielles.
Les matériaux sont souvent extraits de carrières ou de fonds marins, transformant littéralement la géographie des côtes. À première vue, ces plages séduisent par leur aspect carte postale. Mais derrière cette apparence idyllique, des voix s’élèvent contre les conséquences écologiques : disparition des habitats naturels, perturbation de la faune marine et accélération de l’érosion à certains endroits.
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Le revers de la médaille turquoise
La Croatie a accueilli en 2024 plus de 21 millions de touristes, générant près de 15 milliards d’euros de revenus. Ce succès fulgurant a entraîné une densification du littoral, avec la multiplication de constructions et l’artificialisation des berges. Si ces investissements répondent à une logique économique immédiate, ils posent la question de la soutenabilité du modèle touristique. L’ajout de sédiments altère les dynamiques naturelles, tout comme les ports, routes et parkings bâtis en bord de mer.
Certaines zones autrefois sauvages sont aujourd’hui méconnaissables. Face à cela, des chercheurs et urbanistes alertent : sans gestion raisonnée, le littoral pourrait à terme perdre son attrait. Une mer plus chaude, des tempêtes plus fréquentes et une pression foncière toujours plus forte compliquent encore l’équation croate.
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De petites plages qui cachent de grandes idées
Tout n’est pas bétonné sur la côte croate. Des lieux comme Sakarun, sur l’île de Dugi Otok, expérimentent d’autres voies. Ici, la priorité est donnée à la préservation des posidonies, ces herbes marines qui jouent un rôle clé dans l’écosystème. Plutôt que de les retirer systématiquement pour « nettoyer » la plage, elles sont désormais temporairement déplacées, puis replacées après la saison estivale.
Cette démarche, menée avec des chercheurs et les habitants, montre qu’il est possible de concilier accueil touristique et protection du milieu naturel. D’autres communes commencent à intégrer ces logiques de durabilité, à travers des plans de gestion côtière, des limites de fréquentation ou encore la valorisation de plages rocheuses, moins populaires, mais plus résilientes.
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Vers un littoral à réinventer
La fabrication de plages n’est pas qu’un choix esthétique ou marketing : elle devient une réponse vitale à la pression du tourisme de masse. Mais cette stratégie, aussi ingénieuse soit-elle, ne peut être la seule. Le défi croate est désormais de réconcilier ambition touristique et exigence écologique.
En diversifiant son offre, en encourageant le tourisme hors saison, en valorisant d’autres types de paysages que les plages « instagrammables », la Croatie peut préserver son littoral tout en continuant à faire rêver. Le modèle balnéaire croate est à un tournant. Et si les plages de demain étaient moins artificielles, mais pensées comme des espaces partagés, durables, et respectueux de la mer ?
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La Croatie ajuste ses plages à la hauteur de son succès, mais l’avenir du littoral dépendra de choix audacieux. Repenser pour préserver, tel est l’enjeu.