En résumé
• L’Espagne révisera à la baisse ses prévisions touristiques pour l’été 2025 à cause d’incertitudes.• Le tourisme de masse montre ses limites avec une baisse des visiteurs traditionnels européens.
• Les marchés émergents compensent partiellement mais le modèle espagnol doit se réinventer.
L’Espagne, fleuron touristique de l’Europe, semblait tout tracé pour un été record, avec une afflux touristique toujours croissant. Mais les récentes prévisions du syndicat espagnol Exceltur sont venues briser l’optimisme ambiant. L’été 2025 ne sera finalement pas à la hauteur des attentes. Et si ce n’était que la faim de rentabilité excessive ?
Les raisons sont multiples et, pour certaines, inquiétantes. L’incertitude géopolitique mondiale et les tensions économiques viennent sérieusement fragiliser un secteur déjà bien sollicité. Mais au fond, qu’est-ce qui pousse l’Espagne à revoir ses objectifs à la baisse ?
La politique étrangère et l’instabilité économique : un cocktail toxique pour le tourisme espagnol
L’Epagne a bien souvent été vue comme une destination touristique stable et fiable, attirant des millions de visiteurs chaque année. Cependant, derrière cette façade se cache un secteur fragile, dépendant des flux économiques mondiaux. Ce sont les tensions commerciales entre l’Europe et les États-Unis qui commencent à se faire sentir. Bien que l’Espagne ait su séduire les Américains ces dernières années, l’évolution des taux de change et la politique commerciale des États-Unis ont eu un impact direct. Exceltur fait état d’une baisse des réservations provenant des États-Unis, notamment depuis la fin 2024, et ce phénomène risque de perdurer tout au long de 2025.
Et ce n’est pas tout. Les taux de croissance faibles sur les marchés traditionnels, comme l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et l’Italie, montrent que l’Espagne peine à convaincre ses voisins européens. L’incertitude économique mondiale, exacerbée par l’inflation persistante et les effets de la guerre en Ukraine, ont transformé ce qui semblait être un plan parfait en un scénario incertain. On peut se demander si l’Espagne n’a pas misé trop tôt sur des prévisions trop ambitieuses, aveuglée par l’extase de ses records touristiques.
Le marché traditionnel s’essouffle dangereusement
Autre point de friction : l’Espagne a trop longtemps misé sur un modèle touristique basé sur la quantité plutôt que sur la qualité. Le tourisme de masse, bien qu’efficace en termes de revenus, commence à montrer ses limites. Le recul des nuitées hôtelières provenant de pays comme l’Allemagne et la France témoigne d’une saturation progressive. Les voyageurs sont-ils fatigués d’un tourisme de masse ? Et que reste-t-il de cette offre quand le secteur se retrouve à offrir plus d’immobilier que d’expérience ? À force de courir après des chiffres de fréquentation, l’Espagne a peut-être oublié qu’il ne suffit pas d’augmenter le nombre de visiteurs pour maintenir l’attractivité.
Si le pays continue de recevoir de nombreux visiteurs, l’afflux des touristes européens commence à être trop fragile pour être durable. Le modèle de rentabilité rapide – rempli de chambres d’hôtels bon marché, d’activités de masse et de destinations trop fréquentées – est en train de s’effondrer sous son propre poids. Pour 2025, Exceltur prévoit que la croissance des revenus touristiques sera bien inférieure aux attentes initiales. De 6,3% en 2024, on passe à 2,7%. Une révision à la baisse qui ressemble fort à une prise de conscience tardive : le secteur doit se réinventer s’il veut durer.
Des marchés émergents qui sauvent la mise, mais pour combien de temps ?
Là où l’Espagne parvient encore à garder une certaine attractivité, c’est sur les marchés émergents. La Chine, le Japon et le Portugal montrent des chiffres impressionnants, mais cette demande n’est pas encore suffisante pour combler la baisse de fréquentation des marchés traditionnels. La question qui se pose : jusqu’à quand cette stratégie sera-t-elle viable ? Car malgré les bonnes performances de ces nouveaux marchés, elles sont loin d’équilibrer les pertes sur les marchés historiques. Si l’Espagne veut vraiment capitaliser sur cette nouvelle clientèle, il lui faudra repenser son accueil, son infrastructure, et surtout, son positionnement sur la scène mondiale.
La dépendance au tourisme, une faiblesse cachée chez les voisins
L’Espagne est-elle en train de jouer à un jeu risqué ? Avec 13,2% du PIB dépendant des recettes touristiques, l’économie espagnole semble particulièrement vulnérable à tout changement dans le comportement des consommateurs. Ce modèle est certes rentable, mais terriblement fragile. En réduisant ses prévisions de croissance touristique de 4% à 3,3%, Exceltur a mis le doigt sur la réalité d’un secteur en crise. Ce qui pourrait ressembler à un simple ajustement de prévisions masque en réalité un problème de fond : l’Espagne est-elle devenue trop dépendante d’un tourisme de masse qui n’est plus aussi profitable qu’il y a quelques années ?