
En résumé
• Véloroute de 40 km divise entre tourisme et préservation du patrimoine.• Propriétaires locaux craignent défiguration et impact environnemental.
• Un collectif citoyen propose des alternatives pour préserver le site.
Dans la vallée de la Vézère, au cœur du Périgord noir, un projet ambitieux de véloroute divise profondément. Entre les Eyzies et Condat-sur-Vézère, une seconde tranche de 40 km de véloroute, estimée à 12 millions d’euros, s’apprête à bouleverser le paysage exceptionnel classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Alors que les autorités promeuvent ce projet comme un levier pour le tourisme durable, une partie des riverains et propriétaires s’oppose vigoureusement, évoquant un risque de défiguration irréversible d’un site déjà reconnu comme « Grand Site de France ». Mais derrière les chiffres et la promesse d’un aménagement « écologique », la réalité sur le terrain semble bien plus complexe.
Un projet de véloroute ambitieux mais controversé
La première phase de cette véloroute, qui relie Limeuil aux Eyzies, a déjà été inaugurée et attire cyclistes et familles. L’objectif est clair : permettre une découverte douce de la vallée de la Vézère tout en éloignant les usagers du trafic routier. Cependant, la phase 2, prévue pour 2026, semble bien plus complexe et controversée.
Ce nouvel aménagement projeté sur 40 km doit relier les Eyzies à Condat-sur-Vézère, traversant des paysages classés et des zones sensibles, dont la célèbre vallée préhistorique. L’extension de la véloroute devrait permettre une circulation fluide des cyclistes et piétons au plus près de la rivière, mais ce tracé pose des questions cruciales sur son impact environnemental et patrimonial. Entre falaises, sites préhistoriques et châteaux, les paysages pourraient voir leurs équilibres fragiles perturbés.
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Un site classé en péril ?
Le projet s’attaque à des terrains qui, bien qu’ayant un potentiel touristique indéniable, sont d’une valeur historique et écologique immense. Le château de Marzac, un des joyaux du Périgord, se retrouverait notamment à quelques mètres du futur tracé. Un véritable affront pour les habitants et les propriétaires d’immeubles historiques, qui dénoncent un manque de respect pour l’environnement et le patrimoine.
Catherine Guyot, propriétaire du château de Marzac, ne cache pas son opposition. « Ce projet menace directement notre patrimoine, et pour quelle raison ? Pour faire passer une route à vélo ? », déclare-t-elle. Cette inquiétude est partagée par de nombreux riverains, qui soulignent l’incohérence de permettre un tel projet dans une zone protégée. Pour eux, l’équilibre fragile entre préservation et développement est mis en péril.
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L’impact visuel et touristique : une nouvelle menace pour le Périgord noir ?
Si le projet est censé attirer un tourisme « doux » et familial, la question se pose de savoir si cette « douceur » justifie vraiment le bouleversement des paysages naturels. Les nombreuses passerelles nécessaires pour traverser la vallée et les falaises risquent de nuire à l’intégrité visuelle du site. Certains habitants, comme Hugo Dupré, loueur de canoës à Saint-Léon-sur-Vézère, s’inquiètent du nombre d’infrastructures à installer, qui pourraient dénaturer une vallée déjà très prisée par les touristes.
« Il y a un risque réel de défigurer la vallée », déclare-t-il. « Les passerelles en métal et les infrastructures envahissent un paysage naturel et paisible ». La saturation touristique dans des villages comme Saint-Léon-sur-Vézère, déjà submergés en période estivale, ne fait qu’ajouter à la complexité du projet.
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La concertation citoyenne : une solution ?
Face à ces inquiétudes, un collectif citoyen a vu le jour. Ces habitants ne s’opposent pas au principe même de la véloroute, mais plaident pour une révision du tracé afin de préserver l’esthétique et l’environnement. Le collectif insiste sur la nécessité de trouver un compromis qui permette de satisfaire à la fois les besoins en termes d’accessibilité et les impératifs de préservation du patrimoine.
Philippe Lagarde, président de la Communauté des communes de la vallée de la Vézère, a d’ailleurs exprimé sa volonté d’explorer des solutions alternatives. Selon lui, certaines portions du projet pourraient être modifiées ou abandonnées, tout en respectant les contraintes techniques liées au relief.
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Le défi du développement durable et du patrimoine
Le dilemme est évident : d’un côté, il y a la volonté de développer le tourisme et de profiter des financements européens pour dynamiser l’économie locale. De l’autre, il y a le besoin impératif de préserver un patrimoine naturel et historique exceptionnel. La vallée de la Vézère, avec ses nombreux sites préhistoriques, ne peut se permettre de sacrifier son identité. Trouver un juste équilibre entre aménagement touristique et préservation du cadre de vie des habitants semble être le principal défi de ce projet.
Dans la vallée de la Vézère, un sujet occupe les conversations, le tracé de la future véloroute. Un équipement attendu par les adeptes du #vélo, mais qui inquiète certains riverains. #Dordogne https://t.co/IDI6yQMgWj
— France 3 Périgords (@F3Perigords) April 10, 2025
En fin de compte, le projet de véloroute n’est qu’une illustration parmi d’autres de la tension croissante entre modernité et conservation. À l’heure où le tourisme durable est plus que jamais au cœur des préoccupations, la question reste ouverte : comment concilier développement économique et respect des sites naturels et culturels de notre patrimoine ? Une question qui trouvera peut-être sa réponse dans les années à venir, lorsque le projet de véloroute sera finalisé.