En résumé
• Manifestations en Espagne, Italie et Portugal contre le surtourisme le 15 juin.• Collectifs exigent régulation face à pollution, hausse loyers et saturation locales.
• Débat crucial sur limiter touristes ou repenser tourisme pour protéger les habitants.
Depuis quelques années, le surtourisme est devenu un sujet brûlant dans plusieurs pays européens. Ce 15 juin, des manifestations ont éclaté dans de nombreuses villes d’Espagne, d’Italie et du Portugal, où les habitants dénoncent les conséquences sociales, économiques et environnementales d’un tourisme de masse devenu omniprésent. Des collectifs locaux réclament des mesures de régulation fortes face à des flux touristiques qu’ils jugent insoutenables. Tandis que les pouvoirs publics hésitent entre intérêt économique et pression sociale, les citoyens, eux, occupent désormais la rue pour faire entendre leur voix. Un signal fort envoyé aux gouvernements et aux acteurs du secteur.
Une exaspération généralisée dans les zones touristiques
Barcelone, Lisbonne, Venise, Majorque, Ténérife : autant de destinations emblématiques devenues l’épicentre d’une contestation contre un tourisme perçu comme invasif. Ce dimanche 15 juin, plusieurs collectifs ont organisé des manifestations synchronisées pour dénoncer l’asphyxie des villes et villages pris d’assaut par des millions de visiteurs chaque année.
Les slogans parlent d’eux-mêmes : « Tourists go home », « La ville aux habitants, pas aux croisiéristes », ou encore « Le tourisme nous expulse ». Des mots forts, nés d’un ressenti grandissant d’exclusion, alimenté par l’explosion des locations touristiques de courte durée, la hausse des loyers, la saturation des transports publics et la perte d’accès aux commerces de proximité.
Les centres-villes deviennent des vitrines pour voyageurs de passage, désertées par leurs habitants. À Lisbonne, certains quartiers comme l’Alfama ont vu leur population chuter drastiquement en une décennie, remplacée par des hébergements touristiques. Même constat à Barcelone, où la population manifeste régulièrement contre la prolifération d’appartements Airbnb.
Ce qui frappe, c’est la convergence des revendications. Qu’il s’agisse des Canaries, de la Catalogne ou du centre de Rome, les habitants réclament moins de vols aériens, une baisse de la fréquentation touristique et une revalorisation de l’habitat résidentiel. Une fronde populaire qui ne cesse de s’étendre.
L’économie du tourisme sous pression
Si le tourisme représente une part importante du PIB dans ces pays – environ 12 % en Espagne, 9 % en Italie et 8 % au Portugal – cette dépendance économique devient un piège à double tranchant. D’un côté, il génère emplois et recettes fiscales, de l’autre, il alimente des tensions sociales, une spéculation immobilière galopante et des déséquilibres urbains majeurs.
Les municipalités peinent à trouver un équilibre. Encouragées par les retombées économiques, elles ont longtemps soutenu les grands projets touristiques : développement des terminaux de croisière, subventions aux compagnies aériennes low-cost, libéralisation des locations meublées. Mais face à la grogne locale, certaines commencent à revoir leur stratégie.
Barcelone a ainsi annoncé une réduction du nombre de bateaux de croisière autorisés à accoster chaque jour. À Lisbonne, les élus examinent des mesures pour limiter les nouvelles licences Airbnb. Venise a instauré un droit d’entrée pour les touristes d’un jour. Mais pour les collectifs militants, ces décisions arrivent trop tard et restent symboliques face à l’ampleur des dérèglements.
La croissance touristique semble avoir atteint un point de rupture. Le débat porte désormais sur un changement de paradigme : faut-il continuer à maximiser le nombre de visiteurs ou repenser en profondeur l’aménagement des territoires pour protéger le tissu social et l’environnement ?
Un modèle touristique remis en question
Au-delà des manifestations, ce 15 juin marque peut-être un tournant plus profond dans la manière dont les sociétés européennes perçoivent le tourisme. Longtemps valorisé comme une réussite économique, il est désormais scruté pour ses effets pervers sur la vie quotidienne, le logement et les infrastructures locales.
Les mouvements citoyens s’organisent en réseaux, partagent leurs revendications sur les réseaux sociaux, et interpellent directement les autorités locales. Des collectifs comme le réseau SET (Soutien aux Espaces Touristiques) appellent à une baisse volontaire de la fréquentation, à une réorientation des politiques publiques et à un rééquilibrage des usages du sol.
Des élus locaux rejoignent désormais ces revendications, conscients que l’acceptabilité sociale du tourisme est en train de s’éroder. À Florence, à Palma ou à Bilbao, des responsables politiques soutiennent des mesures plus contraignantes pour limiter l’expansion hôtelière ou les projets de résidences secondaires à but lucratif.
La question qui se pose est celle de la résilience des territoires face à la massification touristique. Le tourisme peut-il continuer à croître sans compromettre la qualité de vie des habitants ? Faut-il imposer des quotas de visiteurs, comme l’ont fait certaines îles grecques ou la ville de Dubrovnik ? Le débat est lancé.