Vanoise, Pyrénées, Mercantour : ces trésors naturels risquent de perdre leur indépendance

Dans l’ombre des vastes chaînes montagneuses, une onde invisible commence à ébranler ce que l’on croyait immuable. De la Vanoise aux Pyrénées, jusqu’aux Cévennes, quoi de pire qu’un changement silencieux, qui s’immisce dans les institutions sans fracas, mais avec des conséquences durables ? Une mécanique discrète s’apprête à redessiner le paysage même de la protection de la nature, perçant les fondements de certaines zones les plus fragiles de notre biodiversité nationale…

Une centralisation troublante au cœur des territoires sauvages

Depuis le 3 juillet 2025, un rapport sénatorial propose de supprimer les 11 établissements publics des parcs nationaux, parmi lesquels la Vanoise, les Écrins, les Pyrénées, le Mercantour, les Cévennes ou encore La Réunion, pour les fusionner avec l’Office français de la biodiversité (OFB). L’argument ? Réaliser jusqu’à 40 milliards d’euros d’économies pour le budget 2026. Mais selon la commission sénatoriale, cette rationalisation ne rapporterait que 540 millions d’euros sur deux à trois ans — un chiffre qui relativise fortement l’objectif initial. Résultat : une gouvernance locale vitale pourrait disparaître au profit d’une structure centralisée, dont les décisions émaneraient du sommet administratif plutôt que du terrain.

@itinera_alpina 🇫🇷Est-ce que vous connaissez le Parc national des Ecrins ? Depuis 50 ans, il préserve un espace de montagne unique au cœur des Alpes françaises. Dès lors qu’on franchit les limites du cœur de parc, une réglementation stricte s’applique. Mais pourquoi ces règles ? 
Le parc a été créé en 1973 avec trois missions principales : 
🔎 Connaître, étudier ce milieu 
🌱 Le protéger, préserver la faune et la flore avec le moins de dérangement possible
🥾 Le rendre accessible à tous, permettre au public de découvrir ces massifs fabuleux. Chacun a le droit de venir y randonner à pied, et les agents du parc passent beaucoup de temps à entretenir les chemins pour que nous puissions en profiter.
Parce que les animaux sauvages ne sont plus chassés depuis 50 ans, ils se sont habitués à l’homme. Notre présence discrète ne les dérange pas. Mais certaines choses les perturbent beaucoup. 
🔥Le feu détruit le sol et la végétation pour des années.
🚵‍♀️ VTT, drones, tout ce qui débarque à toute vitesse et arrive du ciel effraie la faune.
🐶 Le chien a la silhouette et l’odeur d’un prédateur. Même un gentil chien tenu en laisse est perçu comme une grande menace pour la faune, surtout depuis le retour du loup. Les animaux effrayés peuvent abandonner leur nid et leurs petits, cesser de manger, avorter de façon spontanée, etc.
🚮Tout déchet perturbe l’écosystème. Même un trognon de pomme modifie le comportement naturel de la faune. Et non, laisser du papier WC n’est pas OK (et c’est très désagréable pour les autres randonneurs). On remballe tout avec soi. 
💦Même si la baignade dans les lacs de montagne est tentante, elle dérange beaucoup l’écosystème, entre le piétinement des rives et la pollution de l’eau par les cosmétiques (crème solaire, etc).
Pour protéger cet espace naturel d’exception et tous continuer à profiter de sa richesse et sa beauté pendant les 50 prochaines années (au moins !), respectons ces règles. Et vous, déjà exploré ce magnifique coin des Alpes ?
🇺🇸Have you ever explored Ecrins National Park in the French Alps? We have to abide by strict rules to respect this magical mountain area which has been fully protected for the past 50 years. #ecrins #alpes #montagne #serrechevalier #parcnationaldesecrins #montagne #lamontagnecavousgagne #alpes #alpesfrancaises #alpesdusud #mountain #frenchalps #hautesalpes #randonnée #rando #lamontagnecavousgagne #auvergnerhonealpes #provencealpescôtedazur ♬ son original – Itinera Magica

Du terrain à la bureaucratie : les gardes-moniteurs en première ligne

Ces parcs ne sont pas que des espaces protégés : ils vivent et respirent grâce aux gardes-moniteurs, véritables passeurs entre les territoires et les populations. Au Mercantour, leur suppression ne serait pas qu’un symbole : ce serait un coup au cœur de la gestion de proximité. Comme le souligne un guide de montagne local, ce lien construit sur décennies entre protecteurs de la nature et habitants risquerait de se briser brusquement. L’expertise concrète — comme expliquer à un riverain qu’un aigle niche dans une zone sensée — pourrait être remplacée par une distance administrative, ingrate, distante, loin du terrain.

Un financement en cascade toujours plus compliqué

Les parcs nationaux ne manquent pas de ressources : en 2025, les agences de l’eau ont versé 418 millions d’euros à l’OFB, lui-même redistribuant 74,7 millions aux parcs nationaux. Ce financement en cascade, jugé techniquement complexe, est justement dénoncé comme anxiogène pour la lisibilité et la transparence budgétaire. Le rapport sénatorial recommande donc une attribution directe des crédits, sans passer par ces étapes intermédiaires — ce qui, si bien encadré, pourrait éclaircir les flux financiers, mais pourrait aussi faciliter une centralisation plus poussée des décisions.

Des voix alertes s’élèvent pour préserver des institutions vivantes

Face à ce possible démantèlement, plusieurs scientifiques, juristes et élus sonnent l’alarme. Une tribune publiée dans Le Monde va jusqu’à affirmer que renoncer au statut d’établissement public des parcs serait perdre un instrument majeur de protection de la biodiversité. De son côté, une pétition en ligne menée par les agents place la gouvernance locale au centre du débat, rappelant que c’est grâce à elle que l’adaptation aux réalités des territoires est possible. Le Sénat ne s’y trompe pas : réunir tous les parcs sous une entité unique suscite l’inquiétude des présidents des conseils d’administration, notamment pour une possible dilution de l’efficacité et de l’ancrage territorial.