
En résumé
• Hausse des prix des billets d'avion nuit aux arrivées touristiques à Maurice.• Compétition accrue et manque de connectivité affectent l'attrait de l'île.
• Stratégie de rééquilibrage nécessaire pour diversifier et valoriser l'offre.
Sur les pistes brûlantes de l’aéroport SSR, les jets atterrissent à l’heure… mais bien trop souvent à demi-pleins. Malgré un ciel dégagé et une offre touristique toujours séduisante, l’île Maurice voit les arrivées internationales reculer en ce début 2025. Un paradoxe saisissant, à l’heure où d’autres destinations de l’océan Indien enregistrent des signaux plus encourageants. Le phénomène ne s’explique ni par une seule cause, ni par une tendance isolée. Il résulte d’un faisceau de réalités – économiques, logistiques et stratégiques – qui fragilise l’un des joyaux touristiques de l’hémisphère sud.
Un ciel accessible, mais des connexions trop chères
Maurice n’est pas isolé du monde, mais elle devient de plus en plus coûteuse à atteindre. Depuis janvier, les prix des billets d’avion ont connu une hausse sensible sur plusieurs liaisons long-courriers. En Europe, les consommateurs subissent l’effet combiné de l’inflation et de la remontée des taux, réduisant leur capacité à se projeter vers des destinations lointaines. Les familles françaises ou britanniques, traditionnellement attachées à l’île, privilégient des options plus économiques, souvent sur le continent ou en Méditerranée.
Le marché réunionnais, historiquement solide, montre lui aussi des signes de lassitude. Le prix moyen d’un billet aller-retour frôle désormais les 12 000 roupies mauriciennes (environ 245 €), quand une escapade à Madagascar ou aux Seychelles peut coûter 30 à 40 % moins cher. À cela s’ajoute un manque d’ajustement du côté de l’offre aérienne. Les fréquences de vols n’ont pas retrouvé leur niveau pré-Covid sur certaines lignes, et le retour des compagnies asiatiques reste timide. Maurice demeure donc ouverte, mais pas suffisamment connectée ni compétitive pour séduire un public sensible au moindre écart de prix.
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— ilemauricetourisme (@ilemaurice) March 16, 2025
Une Europe prudente et une Asie silencieuse
L’analyse des flux touristiques révèle une baisse généralisée sur les marchés historiques de l’île. L’Europe continentale, malgré son attachement à la destination, affiche des taux de réservation en recul. Cette frilosité s’explique en grande partie par les incertitudes économiques persistantes, mais aussi par une concurrence accrue. Les îles Canaries, la Grèce ou même la Tunisie ont su adapter leur offre tarifaire, rendant leurs séjours plus attractifs sur les comparateurs.
Le cas asiatique est plus complexe. La reprise chinoise tarde à se concrétiser, en raison de la disparition de liaisons directes et d’un tourisme sortant encore largement encadré. L’Inde, de son côté, reste active, mais ne compense pas les pertes européennes. Sans ces deux moteurs, Maurice perd une part essentielle de sa clientèle haut de gamme, notamment sur les segments shopping, gastronomie et bien-être.
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Un marché mondial qui change de tempo
Les données partagées par l’AHRIM (Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice) indiquent que si les hôtels membres ont maintenu un bon taux d’occupation en janvier, la tendance s’est retournée en février. Cette baisse coïncide avec un retard de réservations significatif pour mars, que même le phénomène de « late booking » ne parvient plus à compenser totalement. En cause : une mutation du comportement voyageur, plus opportuniste, moins fidèle, et très sensible à la combinaison coût/distance.
À l’échelle mondiale, la tendance est claire : les destinations long-courriers subissent une pression croissante face aux marchés régionaux et au retour du tourisme intérieur. Maurice n’échappe pas à cette réalité, d’autant que son positionnement haut de gamme la rend moins accessible pour les segments moyenne gamme en recherche d’évasion rapide.
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Vers quels leviers pour redresser la trajectoire ?
Face à cette situation, les professionnels du tourisme appellent à un rééquilibrage stratégique. Cela passe d’abord par une amélioration de la connectivité, tant en fréquence qu’en tarification. Plusieurs acteurs du secteur plaident pour un dialogue renforcé avec les compagnies aériennes, en vue de rendre certaines routes plus attractives et d’explorer de nouveaux marchés secondaires, notamment en Afrique de l’Est ou au Moyen-Orient.
Mais l’enjeu dépasse la seule question du transport. Il s’agit aussi de réinventer le récit touristique mauricien, en insistant sur sa diversité naturelle, culturelle et sportive. Golf, randonnées, kitesurf, artisanat local : autant de segments à valoriser pour s’affranchir d’un imaginaire centré uniquement sur le balnéaire de luxe.
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L’île Maurice maintient le cap, malgré les turbulences
L’île Maurice reste une destination puissante, dotée d’infrastructures solides et d’un capital d’image envié. Mais cette notoriété ne suffit plus à remplir les avions. La compétition s’est durcie, et les voyageurs sont devenus plus stratèges, plus volatils. Pour regagner du terrain, le pays devra faire preuve d’agilité et d’innovation, aussi bien dans sa politique de transport que dans la manière dont il se raconte au monde.
Le ciel mauricien n’est pas bouché. Mais si les sièges restent vides aujourd’hui, c’est peut-être le signe qu’il faut repenser le vol, autant que la destination.