
En résumé
• La Suède supprime sa taxe aérienne pour relancer le secteur après la pandémie.• Cette mesure réduit les prix des billets, favorisant la mobilité et l'emploi local.
• Les écologistes craignent un recul dans la lutte contre les émissions carbone.
La Suède, pays pionnier dans la lutte contre les émissions de carbone, a annoncé récemment une décision qui risque de surprendre de nombreux observateurs. Un virage économique majeur semble se dessiner, et ce, dans un contexte où les préoccupations écologiques occupent toujours une place centrale dans le débat public. Cette initiative, prise par le gouvernement suédois, s’inscrit dans un équilibre fragile entre les impératifs économiques et les ambitions environnementales. Pour comprendre les raisons et les conséquences de cette mesure, il convient de revenir sur son historique et ses enjeux.
La taxe aérienne : un outil pour réduire l’empreinte carbone
Introduite en 2018, la taxe aérienne suédoise visait à inciter les citoyens à adopter des comportements plus respectueux de l’environnement, notamment en limitant les voyages en avion. Le principe était simple : rendre l’avion moins attractif au profit de modes de transport plus écologiques, comme le train. Ce système avait permis d’alimenter le mouvement « flygskam », qui signifie littéralement la « honte de prendre l’avion », une expression populaire en Suède portée par des activistes comme Greta Thunberg. L’objectif était de réduire l’impact environnemental du transport aérien, reconnu pour sa forte empreinte carbone.
Au-delà de cette approche symbolique, l’objectif était aussi de faire baisser le volume de trajets aériens internes et internationaux. Ce mouvement a eu un impact notable en Suède, où une diminution des passagers sur les vols intérieurs a été observée en 2019, tandis que les transports ferroviaires enregistraient un nombre croissant de voyageurs. Cette stratégie a permis de renforcer l’image de la Suède comme un modèle en matière de durabilité et d’écologie. Cependant, les résultats de cette taxe sont loin d’être homogènes et ont suscité des débats.
La suppression de la taxe : un coup de pouce à l’industrie aérienne
Le 5 juillet 2025, le gouvernement suédois a annoncé la suppression de la taxe aérienne, marquant un tournant dans sa politique écologique. Selon les autorités, cette décision vise à soutenir le secteur aérien local, fragilisé par la crise sanitaire du Covid-19 et les défis économiques qui en ont découlé. Le gouvernement suédois, sous la direction du Premier ministre Ulf Kristersson, justifie cette mesure par la nécessité de renforcer la compétitivité de l’industrie aérienne, notamment pour les compagnies aériennes à bas coût, comme Ryanair, qui annoncent leur retour sur le marché suédois avec de nouvelles liaisons.
Les effets de cette suppression ne se limitent pas à l’aspect économique. En réduisant le prix des billets d’avion de 80 couronnes pour les vols intra-européens et jusqu’à 325 couronnes pour les vols intercontinentaux, la Suède espère stimuler le trafic aérien et relancer l’activité de ses compagnies aériennes. Cette initiative vise également à faciliter la mobilité des citoyens tout en soutenant l’emploi dans le secteur, un domaine crucial après la pandémie. Des compagnies comme SAS (Scandinavian Airlines) ont salué cette décision, voyant dans la suppression de la taxe une opportunité de relancer leurs opérations et de renforcer leur compétitivité face aux géants européens.
Les critiques écologiques : un recul pour la lutte climatique ?
Cette décision a néanmoins provoqué une vague de critiques du côté des défenseurs de l’environnement, qui y voient un recul dans les ambitions climatiques de la Suède. Certains militants estiment que la suppression de la taxe pourrait annuler les avancées réalisées dans la réduction de l’empreinte carbone des Suédois. En effet, l’argument central du mouvement « flygskam » était de sensibiliser la population aux effets délétères des voyages aériens, un secteur dont l’empreinte carbone est difficilement réductible à court terme.
Pour les écologistes, cette mesure pourrait entraîner une reprise rapide des voyages aériens, en particulier à l’international, et contredire les objectifs de neutralité carbone que la Suède s’est fixés d’ici 2045. Ils soulignent que cette mesure risque de fragiliser les efforts pour réduire la dépendance au transport aérien au profit de solutions plus durables, comme les trains à grande vitesse ou les véhicules électriques. L’argument de la nécessité économique ne convainc pas toujours ceux qui estiment que la Suède pourrait trouver un équilibre sans recourir à une telle mesure.
L’équilibre entre pragmatisme économique et impératifs écologiques
Cette mesure soulève une question centrale : jusqu’où un pays peut-il concilier ses objectifs économiques et écologiques ? La Suède, qui a longtemps été un modèle dans la lutte pour la protection de l’environnement, a opté ici pour une approche pragmatique. La suppression de la taxe aérienne est perçue comme une manière de répondre aux besoins du secteur aérien, en difficulté après la pandémie, tout en maintenant des engagements environnementaux forts.
Les partisans de la décision soulignent que la Suède reste à la pointe de la transition énergétique, avec des investissements massifs dans les énergies renouvelables et les infrastructures ferroviaires. De plus, les compagnies aériennes suédoises ont pris des engagements pour réduire leur empreinte carbone, notamment à travers l’utilisation croissante de biocarburants et des innovations dans l’efficacité énergétique des avions. Cela montre qu’une approche mixte, alliant soutien à l’industrie et préoccupations environnementales, reste possible. Néanmoins, ce compromis pourrait être vu comme une opportunité pour l’industrie aérienne, mais aussi comme une renonciation partielle aux objectifs climatiques du pays.