
En résumé
• Allos vote la fermeture de sa station de ski alpine face au manque de neige.• Stations à moins de 1 800 m perdront 60 % de neige d'ici 2100, menaçant leur survie.
• Transition vers tourisme quatre saisons, mais les aides étatiques restent limitées.
À mesure que les hivers raccourcissent et que la neige se fait plus rare, certaines stations de ski françaises se retrouvent au pied du mur. C’est dans ce contexte que, dans un petit village des Alpes du Sud, un vote local vient de bouleverser l’avenir d’un domaine skiable historique. Ce choix, discret sur le plan national, en dit pourtant long sur l’état d’alerte que traverse le tourisme de montagne. Que s’est-il passé exactement ? Pourquoi cette décision fait-elle autant parler ? Et surtout, que signifie-t-elle pour l’avenir des stations à moyenne altitude ? Plongée dans une réalité qui ne fait que commencer.
Ce village vient de voter la fin du ski alpin
Le 28 juin 2025, à Allos, petite commune perchée à 1 400 mètres dans les Alpes-de-Haute-Provence, les habitants ont pris une décision que peu osaient envisager : la fermeture totale de la station de ski du Val d’Allos-Le Seignus. L’enjeu du vote ? Maintenir l’activité de ski et supporter une hausse des impôts locaux allant jusqu’à 35 %, ou tourner la page. À 50,1 %, la majorité a choisi la fin du ski alpin. Pas de discours politiques, pas de promesses électorales : juste un scrutin local et une décision lourde de conséquences.
@leseignus 5 Mars 2024 : J-12 avant la fermeture du Seignus 😫 Il vient de tomber 1m… #leseignus #stationdeski #wtf ♬ Sail – AWOLNATION
Ce n’est pas uniquement une question d’argent. Si le déficit structurel de la station, estimé à 700 000 euros pour l’année 2024-2025, pèse lourd dans la balance, c’est surtout le manque de neige chronique qui a poussé les résidents à trancher. Entre investissements à fonds perdus et perspectives d’enneigement incertaines, les habitants ont choisi de ne pas s’entêter. Un choix qui sonne comme un aveu : à cette altitude, le ski n’est plus viable.
Le début d’un effondrement silencieux : ce que les chiffres disent du futur du ski
Le cas d’Allos n’est pas une exception. Il est le symptôme d’un changement de paradigme. À en croire les données de Météo-France, les stations situées à moins de 1 800 mètres d’altitude pourraient perdre jusqu’à 60 % de leur enneigement d’ici 2100. Le nombre de jours skiables à ces altitudes passera de 132 à seulement 52 jours par an. Même à haute altitude, les perspectives sont sombres : 121 jours d’enneigement contre 170 dans les années 1980. À ce rythme, les stations qui n’ont pas anticipé cette transformation vont droit dans le mur.
Le modèle économique, fondé sur la neige artificielle et des saisons stables, vacille. L’exemple d’Allos montre que les stations dites « familiales », historiquement accessibles et conviviales, sont désormais en première ligne. Après le Grand Puy, fermé il y a quelques mois, la liste pourrait s’allonger rapidement. Ce sont des pans entiers du tourisme rural qui se trouvent menacés, dans des territoires déjà économiquement fragiles.
Comment les stations tentent de survivre sans ski
Face à cette bascule, les collectivités locales n’ont pas d’autre choix que de se réinventer. À Allos, les élus évoquent désormais une stratégie à dix ans pour transformer l’offre touristique. Randonnée, VTT, raquettes, tourisme quatre saisons : les pistes sont nombreuses, mais aucune ne garantit de compenser l’attractivité et la rentabilité qu’apportait le ski. Le maire, Michel Lantelme, admet que la concertation n’a donné qu’une “feuille de route”. Le conseil municipal devra valider ou non la fermeture, mais le message est clair : la page du ski alpin est en train de se tourner.
Cette transition demandera des moyens financiers importants, et pour l’instant, l’État reste discret sur les aides spécifiques à la reconversion des stations. Pourtant, ce sont des centaines d’emplois saisonniers, des commerces, des hébergements, et tout un tissu local qui reposaient sur la saison d’hiver. Sans stratégie globale, la transition pourrait virer à l’abandon.
La fin du ski à moyenne altitude ? Pourquoi ce vote pourrait faire école
Le choix d’Allos pourrait bien faire des émules. Car au-delà des Alpes du Sud, des dizaines d’autres stations à moyenne altitude sont confrontées aux mêmes dilemmes. Faut-il continuer à investir dans des canons à neige coûteux pour maintenir quelques semaines d’activité ? Ou faut-il admettre, comme à Allos, que le modèle est devenu obsolète ? En votant la fermeture de leur station, les habitants ont envoyé un signal clair : ils ne veulent plus s’accrocher à une illusion coûteuse.
Ce vote citoyen, aussi discret soit-il dans l’actualité nationale, pourrait bien devenir un précédent politique, en posant une question qui fâche : jusqu’où devons-nous aller pour sauver le ski ? Et si l’on accepte que toutes les stations ne pourront pas survivre, alors lesquelles faut-il prioriser, accompagner, ou laisser partir ? Autant de questions que la France va devoir trancher très vite, sous peine de voir son patrimoine montagnard se fissurer sans bruit.