Une île oubliée au large de Marseille rouvre ses portes

À quelques encablures de la côte marseillaise, un îlot minéral réapparaît sur les cartes des curieux. L’île Degaby, longtemps fermée, vient de rouvrir ses portes au public, mais à ses conditions. Accessible uniquement par bateau, elle se dévoile à ceux qui prennent le temps d’y accoster. Entre vestiges historiques, cuisine au feu de bois et engagement écologique, l’île cultive l’art du mystère. Ni plage, ni port, mais une forteresse posée sur l’eau, transformée en refuge sensoriel. Pour celles et ceux qui aiment s’échapper du monde sans s’éloigner, cette réouverture est une invitation secrète.

Une île cachée entre ciel, pierre et silence

Invisible depuis la route, l’île Degaby ne se laisse approcher que par la mer. Aucun pont ne la relie au continent. Depuis l’Anse de Maldormé, une navette discrète vous y dépose en une quinzaine de minutes. Ce n’est qu’en posant le pied sur ses rochers que l’on perçoit pleinement son isolement. Un ancien fort militaire occupe tout l’espace, tel un vaisseau figé sur l’eau. Le vent souffle entre les pierres, la mer clapote au pied des remparts, et l’ambiance semble suspendue hors du temps. Aucun bruit de ville, aucun bâtiment voisin. Juste cette sensation étrange d’être ailleurs, presque clandestinement. C’est dans ce décor que renaît une expérience unique : à la fois site historique, restaurant, scène musicale et manifeste écologique. On ne vient pas ici par hasard, on vient y chercher autre chose : un décalage, une immersion, un vertige doux. Le lieu n’accueille qu’un nombre limité de visiteurs, ce qui renforce encore l’impression d’entrer dans un monde réservé aux initiés.

Une table insulaire, comme un rite discret

Sur la terrasse taillée à même la roche, un restaurant minimaliste accueille ceux qui auront traversé. La carte se résume à l’essentiel : quelques plats changeants, des produits du Sud cuisinés à la flamme, et un soin particulier apporté à l’instant. Pas d’enseigne voyante, pas de musique tapageuse. Ici, tout est dans le détail. Les plats — poisson entier, légumes de saison, viandes fondantes — arrivent sur de grandes assiettes à partager. L’aïoli y règne, classique ou végétal. Le vin, choisi parmi une centaine de cuvées naturelles, se déguste lentement, au rythme du soleil qui descend. Le lieu se transforme au fil des heures : déjeuner lumineux, fin d’après-midi paisible, crépuscule électrique avec DJ set discret. C’est une atmosphère, presque un rituel. Une sortie sans excès, mais pleine d’intensité. On parle peu, on écoute beaucoup. Et surtout, on regarde. L’eau, le ciel, les ombres qui glissent sur les pierres. Ce n’est pas un dîner, c’est une expérience.

 

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Un écosystème préservé, entre autonomie et poésie

Ce qui rend l’île Degaby encore plus singulière, c’est son autonomie. Tout y est pensé pour fonctionner sans dépendre du continent. L’énergie est solaire, l’eau provient de la pluie ou de la mer désalinisée, les déchets sont compostés sur place. Le projet n’est pas une simple réhabilitation : c’est une vision. Celle d’un lieu capable d’exister autrement, hors des circuits classiques. Le couple à l’origine de cette renaissance a voulu redonner vie à une ruine militaire sans en trahir l’âme. Ils ont dessiné un espace où l’on vit au ralenti, en symbiose avec l’environnement. Pas d’infrastructure invasive, pas de luxe ostentatoire. Juste une manière différente d’habiter un lieu. L’île devient ainsi un manifeste silencieux : il est possible de faire moins, et de le faire mieux. Elle rappelle que l’évasion peut être proche, discrète et respectueuse. Et qu’au cœur du vacarme urbain, il existe encore des refuges secrets pour celles et ceux qui savent écouter le silence.